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Entretien avec Samuel Matin-Boche à l'occasion de la sortie de « Son nom sous l’écorce »

David Zorzi : Cher Samuel, vous publiez aux éditions du Petit Pois un nouvel opus sur l’arbre, Son nom sous l’écorce ; qu’est-ce qui le distingue du précédent recueil édité en 2020 et qui abordait déjà le même thème ?

 

Samuel Martin-Boche : Le précédent regroupait des haïkus consacrés à différentes espèces alors que ce recueil est un long poème fragmenté, autour d’une figure centrale. Chaque texte peut se lire indépendamment ou en continu, comme une conversation ou une étude (au sens pictural), avec un rôle d’esquisse, de croquis ou de brouillon, qui revient sans cesse « sur le motif ».



Encore une fois, vous choisissez pour ce texte des formes courtes. En quoi vous offrent-elles un moyen d’expression privilégié ?

 

Je ne sais pas si c’est un choix délibéré. Je crois qu’elles se sont imposées à moi assez spontanément. En tous cas leur format offre à mes yeux une place beaucoup plus active et dynamique au lecteur, car elles lui laissent toute liberté de lecture, de rythme et d’interprétation. Sous des formules ramassées et elliptiques, les images aussi n’en sont peut-être que plus intenses et évocatrices.


Dans un entretien précédent, vous nous indiquiez : l’arbre est « lié à l’aventure, au secret, à l’évasion et à la liberté ». Ces termes peuvent paraître au premier abord assez éloignés du sujet. Pourriez-vous développer votre pensée ?

 

À hauteur d’enfance, l’arbre est un compagnon et un terrain de jeu privilégié. C’est tout un imaginaire qu’il abrite, ouvert à l’aventure (cabanes, cachettes, chutes…). Je l’associe aussi aux grandes amitiés de cet âge-là. Je n’ai pas grandi à la campagne mais j’ai passé de nombreux étés dans une ferme en Bretagne entourée d’arbres et de bois, qui ont été des terrains d’exploration « magiques ». Quand je convoque des souvenirs d’enfance, c’est souvent sous un arbre ou dans un paysage forestier que je me revois, parfois même associé à certaines lectures. Je sens un lien assez confus entre l’arbre et l’enfance, difficile à expliquer : l’arbre est jeune quel que soit son âge, il se régénère avec les saisons, porte en lui une vitalité en devenir qui cherche à se déployer à chaque instant, dans toutes les directions, par tous les moyens… L’arbre au fond est une promesse. Devant un arbre aujourd’hui, je me demande ce qu’il a à me dire et comment – avec les fortes contraintes liées à sa nature, son environnement, etc. – il parvient à être aussi disponible au monde, à optimiser l’espace et la lumière qu’il reçoit. Chaque arbre a un secret, qui est celui de sa forme, son architecture, avec ses « accidents de parcours ». (Et je crois qu’il est aussi un dépositaire fidèle des nôtres…)

 

L’arbre que vous décrivez, c’est aussi une certaine vision de l’homme contemporain. Donnez-vous, en ce sens, un objectif à votre écriture ? Pour vous, le poète, a-t-il un rôle à jouer dans la cité ?

 

Dans la mesure où les arbres-mêmes sont aujourd’hui surexploités, asphyxiés, menacés comme la plupart des manifestations du vivant, écrire sur eux (« avec eux », « pour eux », « à travers eux », « d’eux » ?) est en soi un acte politique, plus limité certes qu’une action humanitaire, mais qui peut accompagner ou renforcer la réflexion sur le monde qui nous entoure. L’écriture de ce recueil doit autant à des romanciers, des poètes ou des peintres qu’à des scientifiques, qui nous aident à penser les relations avec le vivant, dans un monde abîmé (Quand la forêt brûle de Joëlle Zask pour ne citer qu’un exemple). Je suis sensible à l’appel de Marielle Macé qui enjoint de « continuer à honorer ce rendez-vous en des temps d’extinction », « à force d’attention, d’étonnement et d’observation. »

 

Beaucoup de dédicaces apparaissent dans ce livre comme autant d’intertextualités, pourriez-vous peut-être nous éclairer sur certaines d’entre-elles et nous offrir quelques pistes de lecture ?

 

En-dehors du clin d’œil (amical), la dédicace peut être une manière de remercier un artiste qui a compté (que nous nous connaissions ou pas) et d’orienter le regard du lecteur vers son travail. Comme un pont ou une passerelle. Certains textes se sont trouvés ainsi « adressés » ou « offerts » a posteriori à un poète, sur un thème que nous partagions, par admiration : je pense par exemple à Aurélie Foglia (Grand-Monde). L’écriture de ce recueil doit également beaucoup à Patricia Castex Menier, la dédicace vient alors s’acquitter d’une « dette » en quelque sorte, souligner pour le lecteur un « emprunt » littéraire (à l’époque de la conception de ce qui s’appelait encore « L’Arbrier »). Dans le cas d’Alexandre Gilibert, c’est un artiste que vous m’avez fait découvrir et que j’ai voulu associer après coup à ma démarche. Et surtout inviter le lecteur à aller voir ses fusains et ses grands pastels secs, à la technique spectaculaire (www.alexandregilibert.org) !

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